« Ce matin j’ai entendu la voix d’un oiseau appeler le soleil
Kateri Akiwenzie-Damm
Et l’oiseau, c’était moi »
APRÈS L’ORAGE
Revenir vers vous. Après une longue absence, après un long silence.
N’en déplaise à ce monde où il est devenu normal de s’exposer, il est des périodes plus urgentes à vivre qu’à partager. L’intimité a ce quelque chose de sacré, qu’on ne devrait jamais forcer, par posture ou obligation, mais toujours décider d’offrir, pour honorer l’élan du coeur, répondre à un appel intérieur.
Difficile de résumer l’intensité et la profondeur des expériences traversées cet été…
- La perte brutale de ma chienne Plume – du choc à la compréhension, de l’arrachement au deuil
- La décompensation physique, le déréglage de mon système hormonal et un crash de mon système nerveux – reconstruire le pilier de la santé
- La célébration de mon anniversaire – un hommage vibrant à l’Amitié
- Le nomadisme, sans adresse fixe pendant trois mois – accepter de recevoir les aides proposées – puiser la sécurité à l’intérieur, se sentir partout chez soi
- La remontée de mémoires traumatiques – encore du lourd à traiter
- Les retrouvailles avec ma foi et ma force de manifestation
- La décision de revenir vivre autour du lac d’Annecy
- La recherche épique d’une grande maison à louer dans un contexte immobilier fou à lier – choisir d’y croire quand tout nous pousse à abandonner
- Un énorme déménagement, la joie de retrouver mes affaires stockées pendant près d’une année
- La concrétisation d’un rêve de cohabitation avec des personnes qui me sont chères, dans un cadre offrant toute sa place à la lumière, à la beauté et une qualité de vie inégalée – le défi du vivre ensemble à relever
Que reste-t-il de nos orages ?
Le souvenir du tonnerre, la fulgurance des éclairs, des cicatrices, des images.
Une fois de plus, laisser la mort faire son oeuvre,
Traverser l’océan du désespoir avec courage,
Arriver épuisée et désorientée sur le rivage,
Préparée pour un nouveau cycle, une nouvelle page.
Peut-être que vous êtes – ou avez été – vous aussi, pris dans un gros essorage, qui ne laisse rien passer, qui vous veut en vrai, en mieux. Qui fait tomber les murs de pensées derrière lesquels vous vous cachez encore. Qui vous dépouille des fausses identités auxquelles vous continuez de vous accrocher : une relation, un métier, un lieu, une manière de fonctionner.
Je ne peux que vous encourager à ne pas résister, à faire confiance au mouvement qui vous entraîne. La vie, comme l’eau, sait toujours instinctivement vers où s’écouler.
Et quand on se sent dépassé, cesser de s’agiter, de vouloir à tout prix se réparer.
Choisir de se mettre à danser.
Danser avec la maladie, danser avec les états dépressifs, danser avec le mode survie.
Et simplement se rappeler :
« Ça » ne me définit pas.
Ça m’invite à me transformer.
Ça vient me connecter à mon humanité.
Même un genou à terre, je ne doute plus de ma capacité à me redresser, de mon aptitude à marcher.
J’accueille la vie telle qu’elle se présente, je consens à l’expérience.
Je suis capable de traverser cette souffrance.
REVENIR VERS L’AUTRE
Le trauma nous isole, nous rétrécit, nous fait reculer à l’intérieur.
Il nous soumet à la peur, nous coupe de nos ressources intérieures et extérieures.
Il nous conduit à ne compter que sur nous-même, à développer des stratégies de fuite, à fabriquer des personnalités d’hyper indépendants ascendant ermites, d’ultra-dépendants addicts ou encore de combattants permanents.
La guérison nous pacifie et nous rassemble, en nous et autour de nous.
Elle nous sort de la dépendance pour nous montrer une autre voie de reliance.
Oui, il est possible d’être ensemble ET chacun sur son chemin.
J’apprends à connaître cette nouvelle version de moi, moins solitaire, plus légère, plus affirmée aussi. Qui impose sa chance, place sa limite, demande de l’aide, s’entoure des êtres qui nourrissent son quotidien et ses projets.
Deux petits oiseaux occupés à virevolter sous ma fenêtre me font soudain lever le nez de mon écran. J’attrape ma tasse de thé fumante posée sur mon joli bureau, et laisse mon regard partir saluer les montagnes entrain de s’éclairer. Quelques éclats de rire me parviennent au loin, signe que mes colocataires se sont retrouvées autour du petit déjeuner. En réponse à mon coeur réjoui, une montgolfière apparaît lentement dans le paysage, complétant la magie de ce tableau.
Ne nous méprenons pas.
Le bonheur de cet instant ne tient pas à la vue, au thé, ni aux oiseaux… Car demain ils seront évincés par les bruits subis, l’agacement, la grisaille et l’ennui. Et pourtant le bonheur sera encore ici.
Parce qu’il vient moins des conditions extérieures que du sentiment de cohérence entre ce que je souhaite, ce que je manifeste et ce que je suis.
Voilà la clé. De la maison comme de la vie !
Ne plus seulement vivre ce que j’ai choisi.
Mais choisir ce que je vis.