« L’avenir n’est pas ce qui va arriver,
Henri Bergson
mais ce que nous allons faire. »
Suivre son intuition, devenir librement soi, implique une métamorphose perpétuelle, qui passe par autant d’obstacles initiatiques que de salutaires révolutions.
Après la remise en question de nos croyances, le dépassement de nos loyautés inconscientes à des schémas souffrants… le changement implique de trahir la petite histoire que l’on se raconte sur soi-même, de renoncer à notre propre carte de visite. Accepter d’être un paradoxe ambulant, impossible à contenir, à ranger, à définir pour de bon. C’est le prix à payer pour entrer en territoire de Vérité. Cette vérité qui nait du cœur de l’instant présent, et dont notre tête voudrait s’emparer pour l’enfermer dans la prison mortifère des choses sûres-et-certaines-jusqu’à-la-fin-des-temps.
« On ne peut pas se refaire » nous dira-t-on. Et pourtant… De son premier à son dernier souffle, l’être humain est né pour se faire et se défaire. Avant la fin de la lecture de cette lettre, plusieurs milliers de nos cellules seront mortes et d’autres toutes neuves les auront remplacées. Que nous le voulions ou non, nous aurons changé.
Dans ce chemin de dépouillement et de deuils successifs de ce que nous ne sommes plus, un autre défi nous attend : nous affranchir des jugements extérieurs.
Bien que je n’en sois pas à mon premier chambardement, il m’est encore difficile de me présenter devant vous pour exprimer ce qui a changé. De quoi ai-je peur au fond ?
Réponse : Que ce changement soit interprété comme un manque de stabilité.
Sur quoi repose cette peur ? Sur la croyance suivante « si je change, je suis instable ».
Je décide de faire face à cela. Comment ? En regardant tout ce qui a pu conduire à renforcer cette croyance, les jugements extérieurs reçus ou donnés à ce titre, les imprégnations de la société que je porte malgré moi et qui sont devenus miennes.
Avez-vous remarqué ? Changer de travail, ou d’entreprise ; Changer de conjoint ; Changer de lieu de vie… vient souvent teinter d’échec ou de honte notre CV amoureux, civil ou professionnel. Comme elle est pratique cette croyance ! Pour s’empêcher de quitter un couple qui ne fait plus couple, un emploi qui ne nous épanouit plus, une région qui ne nous nourrit plus. Pour rester sagement dans le rang et s’empêcher d’avancer pleinement.
À force d’associer stabilité et immobilité, stabilité et continuité, stabilité et durabilité, nous voilà, foule d’humains accrochés à des rochers inhospitaliers, menacés par la moindre vague parce que nous ne savons plus nager. Nous nous épuisons à contrôler tout ce qui pourrait venir nous insécuriser, et gagnons notre tranquillité au prix d’une perte abyssale de lien à notre vérité.
Que le changement soit nécessaire à notre survie physique ou émotionnelle du moment, ou que nous l’estimions indispensable à notre accomplissement, nous pouvons choisir d’assumer fièrement ce qui en nous se transforme, évolue, prend des risques.
Si je n’avais pas peur de ce que vous en penserez, je vous raconterais toute la fluidité et l’évidence qui m’ont conduite ici.
Si je n’avais pas peur de ce que vous en direz, je vous décrirais la sensation étrange de se rencontrer à nouveau et je vous parlerais de cette nouvelle Sarah, avec qui je ne m’ennuie pas, qui m’enchante et m’étonne par ses choix.
Si je n’avais pas peur de ce que vous en ferez, je vous exprimerais comme c’est bon de faire corps avec une saison et de voir loin à l’horizon. Je tenterais de vous partager cette satisfaction sans nom, de sentir mon être tout entier tourné vers la joie de créer.
Ce qui est vrai pour moi aujourd’hui ne le sera peut-être pas demain.
Ce qui est vrai pour moi maintenant appelle simplement que j’en fasse l’expérience.
Ma stabilité repose sur ma capacité à rétablir mon équilibre à chaque instant, à relancer la vie par le mouvement. Elle est le résultat d’un jeu de balancier permanent. C’est précisément ce qui autorise les variations du vivant en moi qui me rend la possibilité d’honorer mes élans intérieurs, plutôt que d’être esclave de mes peurs ou de celles qu’on m’impose de l’extérieur.
Je vous souhaite une descente dans l’hiver portée par le vent du changement et de la nouveauté. Qu’importe tous les trains que vous avez peut-être déjà laissés passer, je vous souhaite de laisser la vie vous emporter, de lui faire confiance pour amortir vos chutes et vos loupés. De gaspiller moins d’énergie à faire ce qui n’est pas demandé par les plus hautes instances du cœur. Et de libérer des torrents de forces vives et des trésors d’amour intérieur en honorant vos élans créateurs.