Attablée avec un couple d’amis à la terrasse d’un restaurant, je suis remplie des semaines intenses qui viennent de s’écouler et qui vont nécessiter une longue digestion, tel le dessert que nous peinons à terminer après un repas bien chargé. L’amitié m’aide à célébrer la remise de mes clés et le nouveau départ enclenché. Entourés des derniers clients qui profitent de la douceur d’un sursaut d’été sur cette placette au pavé irrégulier, on s’éternise dans un moment simple et léger dont on ne saurait déterminer s’il a le parfum d’une première ou d’une dernière fois.
Le clocher sonne 14h. Le soleil est passé de l’autre côté, le vent soulève désormais les feuilles amassées sur la chaussée, nous rappelant à l’automne bien entamé. Il est temps de s’emmitoufler et de prendre la route vers l’inconnu. Après un moment d’effusion joviale, un dernier signe de la main, je me retourne, butte sur un obstacle et… tout mon corps bascule en avant.
Au ralenti, je me vois tomber, impuissante. Mes bras moulinent en vaines tentatives de sauvetage qui ne m’empêchent pas de continuer à chuter comme une noix dont la coque se sait condamnée à percuter le sol. Par réflexe, mes yeux se ferment : le corps se prépare à l’impact, acceptant ce qui semble ne pas pouvoir être empêché.
Mais le choc n’arrive pas.
Au lieu de m’étaler, une main soulève fermement mon bras, et je retrouve par miracle la verticalité.
Quand je rouvre les yeux, étonnée, un large sourire me fait face et un regard d’homme amusé, dénué de tout jugement, semble me dire que tout va bien.
Le bon samaritain poursuit son chemin.
Je reprends le mien, rassurée.
Je me sens Aimée.
Et tandis que je me penche dans le creux de mon cœur pour remercier, j’entends cette voix silencieuse prononcer : « Tu vois, tu peux jouer à la vie maintenant, tu peux virevolter comme une feuille, oser, risquer, t’abandonner au vent qui t’emporte. Tu pourras encore te cogner, trébucher, mais aussi longtemps que tu ne te laisseras plus tomber, il y aura toujours une main pour te rattraper. »