Pré Textes

Ce terme, je l’utilise souvent pour introduire les ateliers d’écriture intuitive que j’anime depuis plusieurs années. Se donner des prétextes pour écrire. Un cadre cosy, des règles claires, un thème, quelques déclencheurs, une contrainte horaire… Et hop ! C’est parti. La machine à créer – qui se croit toujours en panne – repart. Et j’assiste, émerveillée, à ce mystérieux phénomène chaque fois renouvelé : la délivrance des mots des participants sur le papier.

Pourtant, affairée à développer mon réseau, mes outils de communication, mes activités entre deux régions, je suis la première à ne pas prendre soin de les réunir pour moi, ces fameuses conditions propices à la création. Entre urgences-fantômes et prétendues priorités visant à combler mes insécurités inhérentes à mon statut d’indépendante, ce n’est jamais le bon moment pour écrire.

Et puis… Un jour, la vie m’en a apporté un.

Énorme, durable, inattendu, indiscutable…

Un prétexte.

C’était le mardi 17 mars 2020.

Toi aussi tu te souviens de cette date, peut-être ?

C’est le jour où mon monde s’est officiellement arrêté de tourner.

Le programme des semaines à venir a brusquement basculé. Tous mes ateliers et stages, annulés. Toutes mes collaborations en cours, reportées. Mes loisirs et déplacements solitaires, amicaux, familiaux… envolés !

Le printemps de mes projets s’en allait avec la même désinvolture que l’hirondelle qui installait son nid sous le toit de mon nouveau logis… Comme elle, j’allais être assignée à résidence pour une durée indéterminée, condamnée à accompagner mes œufs-émotions jusqu’à leur éclosion, à tourner en rond autour de mes oisillons-gloutons, à œuvrer chaque jour pour donner à mes enfants-idées une chance de s’envoler.

Déni, colère, acceptation…

Le deuil de ma petite organisation a laissé place à une joie quasi indécente. En effet, la petite fille que j’étais voyait une partie de ses vœux les plus chers exaucés : les animaux moins menacés par des humains remis à leur place, la nature qui se régénère, sans parler des bénéfices pour l’atmosphère… Comment décrire sans provocation cette profonde jubilation devant un système politico-économique qui vacille sur ses fondations en carton, qui a de moins en moins les moyens de faire illusion ? De même qu’une partie de la population, me voilà radicalement détournée de la consommation, extraite de l’agitation, prête à répondre à l’unique invitation : habiter ma maison, mon corps et tout mon être avec la même attention.

Alors oui, j’ai vu dans ce confinement une aubaine.

Et si cela te gêne, qu’à cela ne tienne !

On m’oblige à rester chez moi, on me prive de l’exercice de mon travail, on me déleste de mes obligations, on m’offre du temps, de l’isolement et on m’impose des contraintes de déplacement ? Autant te dire qu’au départ c’était loin d’être une punition. Habituée à vivre en retrait et puiser ma liberté dans mon intériorité, cela sonnait plutôt comme une bonne nouvelle, un cadeau tombé du ciel.

Le voilà le grand, le beau prétexte pour répondre à l’appel de l’essentiel.

Écrire.

Jour après jour, retrouver le goût des ressentis, le goût de ma vie. Pas celle que je construis en pensées, que j’idéalise, qui voudrait réussir ou être appréciée. Mais celle que je me sens appelée à expérimenter, à traduire en petits morceaux de langage qui se partagent.

Curieusement, ma peur d’essuyer des jugements désapprobateurs semble desserrer son étreinte, se faire moins écrasante. Oh elle est toujours là, mais se tient sur le côté, moins disposée à me barrer le passage. Comme si ma petite voix tyrannique personnelle avait, elle aussi, été placée en quarantaine. En cet instant inespéré, qu’elle puisse critiquer le fond ou tiquer sur la forme, je m’en tape le clavier ! Son avis est devenu moins intéressant. Une énergie colossale me pousse en avant. Je ne peux juste plus lutter, tu comprends ?

Victoire définitive ou trêve temporaire… Whatever. Ce qui compte, c’est de profiter là-tout-de-suite-maintenant de ce détachement du regard extérieur. Ne plus obstruer ce mouvement libérateur qui vient de l’intérieur. Savourer cette excitation que je ressens à la perspective de me rendre sur les pages de mon brouillon comme à un rendez-vous important, avec un amoureux adolescent que je retrouverais secrètement.

L’heure qu’il est, le temps qu’il fait ? Abstrait.

J’oublie la faim. J’oublie même de sortir mon chien.

Je me rappelle qu’il est possible de me nourrir autrement, en faisant ce qui me tient à cœur vraiment.

Un être humain renaît à chaque fois qu’il redonne de la vie, de la conscience et de l’amour à son mouvement.

Arnaud Riou

Être à ma place.

Peut-être que pour toi, l’essentiel c’est dessiner, peindre, chanter, jouer de la guitare, composer, méditer, jardiner, faire des photos, monter des vidéos, enseigner, materner, paterner, cuisiner, avancer ce projet qui t’appelle depuis longtemps et que tu ne cesses de repousser. Et si tu n’en as aucune idée, peut-être est-ce le moment idéal pour te questionner ! Qu’est-ce qui t’anime au fond ? « Quel est le verbe de ta vie » ?

Des indices, tu en as des tas. Es-tu prêt à les écouter ? À t’étonner de la simplicité de leur réponse ? À te laisser guider par ce sentiment de paix intense d’être au bon endroit, au bon moment ? Là où il n’y a plus de question. Ce n’est pas une réflexion de plus à mener, encore moins une direction à trouver.

C’est ce qui arrive quand tu exprimes à ta façon ta raison d’être… vivant.

Rechercher un article

Rechercher

Dernières publications

Votre demande