La femelle brun foncé amasse consciencieusement de minuscules brindilles. C’est une merlette que j’ai appris à reconnaître. Habituellement perchée sur les branches fatiguées du poirier, elle laisse résonner les notes de son chant flûté dans l’air du printemps retrouvé.
Je ne l’ai jamais vue s’aventurer si près de ma porte d’entrée, d’où elle sait que peut surgir à tout instant, mon toutou excité.
Loin de s’en préoccuper, affairée au sol, elle sélectionne les herbes sèches qui forment une boule de paille de plus en plus volumineuse dans son bec.
Depuis la fenêtre, je continue d’observer son travail minutieux, fascinée par le mariage naturel de son instinct et de sa volonté… Aucun doute, aucune peur, aucune objection ne semble pouvoir s’opposer aux noces intérieures de son animalité.
Construire mon nid.
Avec douceur, avec inspiration, avec tendresse, oui.
Mais pas seulement.
Avec fermeté, avec énergie, avec justesse, aussi.
Sentir que quelque chose est en train de prendre vie en moi et réclame de l’espace pour naître.
Un cocon d’accueil afin que puisse grandir et se développer… un bébé, une idée, un projet.
A-t-on déjà vu un oiseau supplier le ciel de faire éclore ses bien-aimés ?
Impatient, stressé de ne pas y arriver ou de voir ses efforts ruinés ?
Non, jamais.
Il se contente d’œuvrer, de fabriquer, de préparer. D’échouer parfois, de recommencer souvent.
Sans faire de plan, porté par un élan soufflé dans ses ailes depuis la nuit des temps.
Construire mon nid.
Réunir une à une les conditions nécessaires,
Pour protéger mon œuf de lumière.
Écouter mes plus nobles ambitions,
M’engager dans la plus petite action.
Faire ce qui est à ma portée, maintenant.
Remettre le résultat à la clémence des vents.
Accepter de prendre ce risque, de perdre ce temps.
Choisir de n’avoir rien à dire.
Comme autant d’oisillons à nourrir,
Donner la becquée à mes besoins affamés.
Et laisser s’envoler enfin… une parole prête à fleurir.