La grande aventure de l’existence,
c’est de trouver là où l’on est bien.
La grande aventure de l’existence,
c’est de trouver là où l’on est bien.
Sylvain Tesson
Je n’entends plus ni ma voix ni mes pensées.
La cacophonie règne et mes tympans saignent.
Qu’est-ce qui m’a pris de vouloir m’inscrire au Gospel ?
Le regard appuyé du beau trentenaire dominant le chœur de son mètre quatre vingt et de sa prestance naturelle me fournit une plausible réponse…
Les répétitions sont loin de l’idée que je m’en faisais au concert auquel j’assistais quelques semaines auparavant. Harmonie, performance vocale, joie communicative et puissance engagée des textes chantés m’avaient alors complètement transportée, exaltée.
À présent, j’ai surtout envie d’aller me coucher.
Parfois, nous savons exactement ce qui nous fait vibrer. Encore faut-il oser nous lancer. D’autres fois, rien ne nous attire vraiment et la machine à vibrer semble cassée. Parce que nous avons récemment beaucoup changé ou parce que nous avons depuis longtemps oublié de nous écouter… Nous ne savons plus vers quoi nous tourner. Ce qui, hier, nous apportait du plaisir, aujourd’hui nous laisse complètement dérouté.
Comment prétendre connaître la personne que nous sommes là, maintenant, si l’on refuse d’aller rencontrer ses aspirations du moment ? Si l’on se retient d’aventurer, d’essayer, de rater peut-être mais d’apprendre dans tous les cas ?
Faire l’expérience.
De ce qui m’attire, de ce qui m’intrigue, de ce qui suscite des jugements hâtifs de ma part.
Faire l’expérience.
Avec innocence. Sans attente, sans pression.
Tu penses que se soigner avec des plantes, parler aux animaux, guérir par l’imposition des mains, faire de la télépathie… est une vaste fumisterie ? Fais l’expérience !
Tu penses que la finance est un océan malsain truffé de requins assoiffés d’argent et sans conscience ? Fais l’expérience !
Tu aimerais faire du vélo, marcher, courir plus souvent mais tu n’essaies même pas à cause des enfants, du manque de temps, d’un genou récalcitrant… Fais l’expérience !
Confronte-toi à ce monde, va te frotter à lui comme on laisserait une main trainer sur un doux crépi. Fais confiance à tes envies. Elles ne te promettent pas la destination mais te font parcourir le chemin qui est le tien, si tu acceptes de les suivre, si tu acceptes de t’égarer, de te réorienter, de recommencer.
Et si ton dernier choix ne te réjouit pas plus que ça, si ça ne vibre toujours pas, s’il te plait, n’en fais pas tout un plat.
N’en déduis rien, va juste voir ce qui se passe un peu plus loin.
Ne laisse pas ta tête raconter que tu as un problème, que tu n’as pas de passion, pas de talent. Et si elle le dit quand même, eh bien, décide de ne pas la croire. Et continue de chercher activement, continue d’explorer maladroitement, joyeusement. Continue de tester. Des loisirs, des formations, des modes de vie, des relations. Laisse la vie circuler. N’écoute pas ceux qui diront que tu te disperses, que tu ne sais pas te poser, te contenter, ni persévérer. Tu es un puzzle géant en construction, à la recherche de quelques pièces égarées.
C’est ce que font les tout-petits, toucher à tout, s’éparpiller, déballer plusieurs jeux à la fois, avant de répéter leurs activités préférées. Et ce, sans se poser plus de questions, sans culpabiliser, sans se bloquer.
Ne t’enferme pas dans ton imagination, lève le nez de ton écran.
Tu n’es pas ici pour être un figurant, ni pour vivre par procuration.
Abandonne l’idée du résultat mais ne t’abandonne pas, toi.
Il y a de la vie dans cette exploration.
Tu es cette vivante exploration.
Agir n’est pas s’épuiser, agir n’est pas s’agiter.
Agir n’est pas non plus cogiter à d’innombrables futures possibilités.
Agir c’est s’engager. Maintenant. Imparfaitement.
Renouer avec ta force d’action.
Et ça tu vois, c’est important.
Car il faudra bien trouver la force d’aller retourner ce béton, de faire pousser du vert dans nos villes, dans nos rêves, dans nos institutions.
Remettre à l’endroit ce qui tourne à l’envers…
Rendre de nouveau habitable cette biosphère
Où les voitures reposent dans les champs
Et les vaches s’entassent dans les bâtiments.
Alors, tant pis pour les chorales de Gospel ou de Noël…
D’autres aventures m’appellent.
Toutes essentielles.
Sarah Morisse