On a mangé le Soleil
On a mangé les étoiles
On a mangé le ciel
Et on a encore la dalle, alors on va manger la Lune
Quart après quart, car après tout on peut se nourrir d’espoir.
On a mangé le Soleil
On a mangé les étoiles
On a mangé le ciel
Et on a encore la dalle, alors on va manger la Lune
Quart après quart, car après tout on peut se nourrir d’espoir.
Céphaz
Il y a quelque chose de plus difficile que de ne pas manger, c’est de décider quoi manger.
Quel luxe inouï… Un luxe oui, mais un défi aussi. Après avoir permis à des milliards de cellules de se régénérer et de recycler les molécules devenues inutiles à mon organisme, la responsabilité du choix de ce que je vais incorporer me saute à l’estomac.
Dans l’assiette comme dans la vie, il est bien plus facile de me couper de mes appétits, de laisser le dernier principe à la mode dicter ce qui est bon pour moi. Ils sont nombreux ceux qui ont des idées pour nous. Dans leur grande et mercantile générosité, ils vont jusqu’à offrir des to-do-list standardisées, prétendant avoir toute la panoplie pour nous occuper, atteindre nos objectifs, apprendre à manger sainement. Avec le temps, on parvient à se convaincre que ces habitudes nous correspondent, faisant fi de nos réels besoins de nouveauté, de qualité, de fantaisie.
Qu’est-ce qui me nourrit ?
…
Qu’est-ce qui me nourrit vraiment ?
Je ne parle pas ici de réciter une quelconque règle apprise sur l’équilibre nutritionnel, sur les revers du mental ni d’étaler un savoir de bon petit occidental… Mais bien de ce qui m’énergise, de ce qui m’électrise, de tout ce qui rend ma soupe – la mienne, pas celle du voisin – simplement exquise. À l’inverse, qu’est-ce qui m’alourdit, me déprime, me pollue ou m’ennuie ?
Valable pour les aliments, ce questionnement l’est également pour tous les lieux, occupations, relations, informations, paysages, musiques, lectures, pensées, objets,… avalés quotidiennement par mon intériorité.
Si notre journée était une assiette, accepterions-nous qu’elle soit envahie par le repas des autres ? Qu’elle soit remplie par des mets dont nous n’apprécions ni la vue, ni le goût, ni la compagnie ? Ou simplement que nous n’avons pas choisis ? Trouverions-nous raisonnable d’ingérer systématiquement la même bouillie, pire, de nous forcer à finir notre plâtrée sous prétexte que c’est le menu prévu par le patron, le conjoint, la famille, la société ?
Et même si devant cette question, seul un vide assourdissant me répond… Écouter ce qui séduit mes papilles sans juger ce qui me vient spontanément, c’est déjà retrouver mon pouvoir d’action. Plus je me nourris de ce qui fait danser mon coeur dans l’instant, moins je succombe aux sirènes des addictions, moins j’ai peur de ce creux dans mon ventre, dans mes projets, dans mon emploi du temps. Chaque envie insolite ou atypique qui émerge librement est une gourmande opportunité pour mon âme affamée de vérité.
Sarah Morisse