Il y aura pourtant une heure, un rendez-vous que nous ne pourrons pas éviter, celui où cet enfermement nous sautera aux yeux. Parce que l’harmonie nous cherche. Parce qu’elle finit toujours par trouver un chemin, une issue.
Il y aura pourtant une heure, un rendez-vous que nous ne pourrons pas éviter, celui où cet enfermement nous sautera aux yeux. Parce que l’harmonie nous cherche. Parce qu’elle finit toujours par trouver un chemin, une issue.
Hélène Naudy
Emmitouflée dans mes laines et dans la chaleur du dodo dont je viens à peine de m’extraire, ma boule de poils préférée m’entraîne dans les ruelles silencieuses. Je profite qu’elle marque l’arrêt autour d’un trésor à renifler pour réajuster mon bonnet et lever le bout du nez. Le soleil pointe à peine derrière la montagne encore toute embrumée. Dans quelques instants, ses rayons d’or lacté feront scintiller les cristaux sculptés par la glace sur les herbes hautes, branches et feuilles mortes, figeant dans un même ensemble givré champs, toits et forêts.
Soudain, un bruit d’affolement ailé vient troubler la torpeur de cette froide matinée. Je pivote la tête à droite. À gauche. Rien. Je contourne un cabanon et découvre l’origine de ce boucan : une jeune tourterelle dans un poulailler. La petite bête se débat contre le grillage et la tôle qui la retiennent prisonnière. Elle cogne dans les angles, remue la poussière et vit un enfer.
Je tente de me connecter à l’oiseau apeuré et lui envoie un puissant message d’apaisement. Il se calme immédiatement, et vient se percher sur une tige métallique dépassant. Le poulailler de fortune surplombe le chemin d’une bonne hauteur et je dois me hisser sur la pointe des pieds pour évaluer la situation. Au loin, deux poules indifférentes à notre sort piquent le sol gelé et m’encouragent à chercher encore… Si elles sont dehors, c’est qu’il doit y avoir une sortie ! Dans la pénombre, je distingue de vieilles planches envahies par une pousse de groseillier séchée qui se mêlent à des outils de jardin rouillés.
Finalement, j’aperçois une trappe au niveau du sol. Entrouverte dans la direction opposée, on n’y voit pas le jour passer. La tourterelle est toujours là, immobile. Alors je plante mon regard dans son œil rose, doux et rond comme un bonbon. Je la rassure, l’informe que tout va bien aller. Avec concentration, j’imprime sur mon écran intérieur l’image et le positionnement de la trappe et lui transmets par la pensée. Ni une ni deux, avec grâce et détermination, elle s’envole sans rien heurter et dans un virage parfait, retrouve la liberté.
Quant à moi… j’ai gagné mon sourire et un peu de magie pour le reste de la journée.
Je reprends ma marche, les joues gonflées du bonheur de vivre un rêve éveillé. Et je pense à nous, animaux humains, qui avons récemment franchi un drôle de palier : de largement conditionnés à inexorablement confinés… Portant notre attention sur ce qui nous contraint et allant nous cogner obstinément aux bords de la cage histoire de rendre l’enfermement franchement oppressant.
Qu’attendons-nous pour le devenir celui qui viendra nous écouter, nous rassurer, nous encourager ? Si nous acceptions de nous poser, de faire silence, de calmer nos consciences affolées, entendrions-nous une petite voix nous indiquer une porte ouverte sur une autre réalité ?
Ouvrir notre esprit à la possibilité d’une autre sortie.
Se libérer, en regardant ce qui en nous n’a jamais vraiment été enfermé.
Oui, franchir cette porte avec chaleur, comme on ouvre ses bras ou son cœur.
Et réapprendre à voler.
Sarah Morisse